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Tu ne tueras point
La rédemption par l’image d’un paria d’une industrie très à cheval sur l’hypocrisie de ses principes moraux, qui revient 10 ans après son dernier chef d’œuvre pour donner une leçon de mise en scène et de conviction à un monde du cinéma dominé par des branleurs cyniques aux ricanements péremptoires. Je parle bien sûr du très grand Mel Gibson et de sa dernière œuvre ; « Tu ne tueras point », film de guerre en apparence anachronique et véritable joue gauche tendue à un monde médiatique prompt à le crucifier. « But when I walk through the valley of the shadow of death, I will fear no evil, paraît-il.” Il suffit de deux gros plans dans Blood Father et de la scène d’intro de Hacksaw Ridge pour mesurer à quel point Mel Gibson est un des acteurs les plus intense encore en activité, à quel point il est un grand réalisateur à la puissance évocatrice hallucinante, à quel point il nous a terriblement manqué. Mais je vous rassure, Tu ne tueras point ne changera pas la conviction que l’on en a, tant pour ceux qui vénèrent le lyrisme exacerbé tant que pour ceux qui en conchie le questionnement moral et religieux. Tu ne tueras point est un condensé de cinéma de Gibson et perpétue les valeurs et les questionnements qui le définissent. Ultra lyrique, ultra violent, passionné au sens littéral comme au sens christique du terme, animé d’une telle conviction vis-à-vis de l’histoire vraie dont il se fait le témoin, qu’il n’appose aucun filtre à l’émotion véhiculée. C’est du premier degré, sans phare, sans concession, sans masque dans les sentiments, dans le traitement de la guerre, dans la déférence à son sujet, dans la chose religieuse, même dans la candeur d’une exécution, qui dans sa première partie semble anachronique. La traversée du désert qu’il a connu transforme ce film comme une profession de foi pour son réalisateur, d’autant plus exacerbée qu’elle a été authentiquement vécue dans la douleur. La Passion de Gilbson, littéralement pourrait-on dire. Ce premier degré, la traduction d’un homme qui livre ses tripes et son humanité nues sur un écran ne signifie pas pourtant une quelconque naïveté, et si candeur il y a parfois, elle est toujours gangrenée par un metteur en scène qui convoque sa propre dualité pour en structurer son propos. La première et seconde partie du film ne sont pas si tranchées que ça ; la guerre et l’innocence, la foi et le réel, l’altruisme et la haine, le temps d’aimer et le temps de mourir, Chacun étant l’élément intrusif de l’autre. Cette dualité qui est au cœur de sa chair comme de sa filmo, maillon essentiel de sa vision spirituelle de l’humanité, ne manquera pas d’être vilipender et d’aucun n’y verront sans doute la névrose d’une star qui confond son chemin de vie avec celui du porteur de croix. Sauf que, horreur pour les champions du déni. Il montre la guerre, l’intolérance, la persécution et la cruauté en face avec une intensité jusqu’à là inégalée et une exécution traumatisante, qui là encore est toute en dualité, poussant la virtuosité dans l’horreur et l’horreur dans la virtuosité, à tel point qu’on en ressort déchiré, ébranlé dans notre détachement soudain petit et médiocre dans ce monde en guerre que nous fuyons en marvelisant nos vies, mais avec une compréhension viscérale et inattendue de ce qu’est l’idée du sacrifice. Vous allez juste voir les scènes de guerre les plus hallucinante que vous n’avez jamais vu de votre vie. C’est fait avec une virtuosité dans l’horreur qui est peinte, qui crée une contradiction dans le ressenti et les émotions que moi je n’ai jamais vu au cinéma. A un moment donné, tu as carrément un mec, super badass, qui est sur le terrain et un type vient juste de se faire exploser en deux avec une grenade, coupé en deux, le mec prend la moitié du corps et s’en sert comme bouclier et fonce vers ses ennemis en les shootant, c’est juste épique ! La peinture d’une tel tableau ne se fait pas par fascination morbide, comme la symbolique christique n’est pas tributaire d’un quelconque prosélytisme mais parce qu’elle est la condition première du questionnement de Mel Gibson. Comme Spielberg, conspué par des idéologues de salon, pour les mêmes raisons. Or la guerre est là dans toute son horreur et la regarder en face est sans doute le premier pas pour le combattre. N’hésitez pas une seconde et courrez voir le dernier film de Mel Gibson. Tu ne Tueras point, même si vous n’aimez pas l’histoire ou cette thématique, vous allez quand même vous prendre une claque, mais alors une claque cosmique en pleine gueule !