Quelque part je ne suis qu’une frêle fleur bleue puisque je n’ai jamais, mais jamais pu résister à une histoire d’amour impossible. C’est mon talon d’Achille et la qualité des films n’a rien à voir là-dedans, puisque mes yeux larmoient autant devant « Sur la route de Madison » que « N’oublie jamais ». Donc forcément, quand Robert Zemeckis revient avec « Alliés », une magistrale histoire d’amour sous couvert d’un film d’espionnage, et bien, je pleure comme une dinde et mon jugement s’effondre devant l’expression de mes sentiments les plus profonds. Bref, gardez un peu de contrôle et de nuance parce que moi je n’y arriverai pas. Je suis un grand admirateur de Robert Zemeckis, l’année dernière , il m’avait déjà impressionné par ses talents de conteur et de metteur en scène avec « The Walk », mais si le bougre nous balance tous les ans des bombes, qui chacune questionne le cœur des hommes et nous renverse littéralement à chaque plan, alors je fais finir par le considérer comme le plus grand réalisateur actuel et tant pis pour les frères Cohen. Avec « Allies » qui narre pendant la seconde guerre mondiale la complexe histoire d’amour entre deux espions qui voient l’ombre du doute et de la trahison s’immiscer dans leur couple. Zemeckis nous offre encore une fois un très grand moment de cinéma dont la beauté stupéfiante des images renforce la profondeur bouleversante de ses thèmes, et si d’aucuns se demandaient parfois la cohérence de son œuvre, s’étonnant que le pionner de la performance capture passe de « Beowulf » à « Flight » puis à la vie de Philippe Petit pour arriver à une romance d’espionnage classique, je leur répondrais que ces sujets, ces histoires, ces univers en apparence différents sont à ses yeux les enveloppes symboliques les plus pertinentes d’un seul est même questionnement, celui de la nature humaine. Qu’il évoque un artiste hors la loi, un pilote auto destructeur, un mythe guerrier ou des experts du mensonge et de la manipulation, Zemeckis parle du cœur des hommes, de ses tourments, de ses leurres comme de ses aspirations et de ses vérités. Et c’est ça par rapport à Brat Pitt et Marion Cotillard qui sont posés quand même dans le film comme des experts du mensonge et de la manipulation, forcement ce sont des tueurs, ce sont des espions, ils se font passer pour d’autres personnes et évidemment tout l’enjeu de l’intrigue est ; ect-ce que Marion Cotillard est en train de me la faire à l’envers ou pas ? Je tombe amoureux d’elle, je me marie avec elle mais on est en train de me dire qu’elle est potentiellement une espionne, donc tu as tout ce jeu de manipulation. Si « The Walk » s’intéressait à un funambule pour nous parler de la transcendance de la création humaine, Alliés convoque le film de guerre et d’espionnage pour nous parler de la nature de nos émotions pures et du voile des sentiments. Un film sur la vérité et le mensonge, la trahison et le sacrifice mais qui fondamentalement questionne la nature intrusive du masque social, culturel, intellectuel et sentimental comme voilement de la vérité du cœur. Le cœur a ses raisons que la raison ignore et c’est exactement cela, parce que chez Zemeckis tout passe par une mise en scène ultra symbolique et absolument incroyable et la notion d’intrusion y est omniprésente dès les premiers plans du film, simplement géniaux à la façon dont les séquences entières sont orchestrées de façon à ce qu’à chaque fois, un élément intrusif vienne bouleverser sa vérité première. Comme d’habitude chez Zemeckis, il y a une façon très douce et imperceptible de nous emmener de ce que l’on croit vers ce qu’on a pas vu venir, glisser d’un sujet contextualisé à un thème universel d’une vérité que l’on accepte à son propre bouleversement, le tout presque exclusivement à travers la mise en scène mais rarement le thème profond d’un film de Zemeckis n’a été autant en accord avec cette volonté de mise en scène que dans Alliés ; et je défie quiconque d’imaginer où le film nous emmène émotionnellement dans sa conclusion. En apparence simple dans sa narration et classique dans sa structure, Alliés transcende, comme toujours chez Zemeckis, son propre argument cinématographique, pour nous transporter vers une réflexion sur la condition humaine qui nous bouleverse car parlant directement à notre cœur et à notre cerveau. Une belle œuvre d’art !

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